L’été au manoir Parkinson avait toujours ce parfum d’opulence soigneusement entretenue, un luxe presque ostentatoire. Le jardin, dont ma mère était si fière, s'étendait à perte de vue, avec ses haies taillées au cordeau, ses parterres de roses impeccables et ses fontaines d’une blancheur immaculée. Ce soir, l’agitation était palpable dans l’air chaud et parfumé. On ne parlait que de l'arrivée imminente de la famille Gaunt, et bien que je ne sois pas particulièrement intéressée par ces mondanités en ce moment, l'atmosphère avait quelque chose d'inhabituel. Mes parents semblaient plus fébriles que d’ordinaire. Eux dont on avait peur d'habitude.

Ma mère m’avait prise à part un peu plus tôt, exigeant que je porte une robe d’un blanc éclatant, comme si le moindre faux pas vestimentaire pourrait ruiner cette soirée tant attendue. Je trouvais cela absurde. Comment la fille du plus grand couturier du monde sorcier ferait un fashion faux pas? Cependant, il n'était pas dans mes habitudes de contrarier ma mère. Elle avait l’air si nerveuse, d'ailleurs. Ce n’était pas seulement un dîner. Non, il y avait quelque chose de plus, mais quoi ?

— Héra, tu sais combien ce genre de soirée est importante, m’avait-elle dit d’un ton presque agressif, ses mains resserrant légèrement l’étoffe de ma robe pour en lisser un pli imaginaire. Il faut que tout soit parfait.

Je haussai les épaules, feignant l'indifférence. Chacune des rencontres avec ces familles des 28 était importante, surtout avec mon âge avancé.

— Ce ne sont que les Gaunt. Nous les avons déjà accueillis chez nous à plusieurs reprises, mère.  répliquai-je en détournant le regard, essayant de dissimuler mon agacement.

Après tout, je les connaissais à peine. Je savais seulement que Prospero était à Serpentard avec moi, que c'était un parti à pourvoir, car il était le cousin du Seigneur des Ténèbres. Malgré cela, nous ne nous fréquentions pas vraiment. Il était toujours dans l'ombre, silencieux et distant, même s'il avait la réputation d'être brillant et impitoyable. Nos chemins s'étaient croisés à plusieurs reprises, mais jamais suffisamment pour que je le connaisse au-delà des apparences.

— Ce ne sont pasque les Gaunts,Héra, avait répliqué ma mère, son ton trahissant une certaine impatience.

Je n’avais pas insisté. Il ne fallait jamais insisté avec elle. Après tout, j’avais d’autres préoccupations en tête. Fabian occupait mes pensées bien plus que ces histoires de famille Sang-Pur. L’idée de le retrouver, loin de tout ce monde étouffant, me semblait avoir été la seule chose agréable de cet été. Mais pour l’instant, il fallait endurer cette mascarade que je subissais déjà depuis des années.

Le grand hall du manoir était prêt à accueillir nos invités. Tout brillait, tout resplendissait sous la lumière des lustres de cristal. Mon père, droit comme une statue, dirigeait les elfes de maison avec l’autorité naturelle qui lui était propre. Je savais que, sous cette apparence imperturbable, il était tendu. Il l’avait été toute la journée, surveillant chaque détail avec une attention presque maniaque.

Les Gaunts finirent par apparaître au bout de l’allée bordée de cyprès. La lourde porte en fer forgé s’ouvrit lentement pour les laisser entrer, et je sentis une légère tension dans ma poitrine. Pourquoi ce dîner était-il si important ? Ma mère n’avait cessé de répéter que je devais « faire bonne impression ». C’était ridicule. Ce n'était pas comme si je ne savais pas me tenir en société. Mon père avait-il le projet de conclure quelque chose? Etait-ce...?

Alors que nos invités s'approchaient, les elfes s'affairaient déjà à ouvrir les portes. Je restai immobile, observant l'arrivée avec un sentiment étrange que je n'arrivais pas à chasser. Ce n’était pas la première fois que nous recevions une famille influente au manoir, mais l'atmosphère pesante rendait la situation différente. Mon père se redressa davantage, affichant un sourire calculé, alors que la famille Gaunt nous rejoignait.

Mon regard se posa directement sur Prospero. Toujours aussi impeccablement vêtu, toujours ce même regard froid que je lui avais vu tant de fois à Poudlard. Nos yeux se croisèrent brièvement, mais je détournai vite le regard, feignant l’indifférence. Nous ne nous étions jamais véritablement parlé, et même si ma famille nous poussait, je ne comptais pas entamer plus que des mondanités.

Mon père s’avança pour les accueillir de façon presque trop exagérée à mon goût. Les salutations d’usage furent échangées, tandis que ma mère, rayonnante, s’approchait de moi pour poser une main légère sur mon épaule, comme pour me rappeler de rester attentive.

— Héra, viens saluer nos invités, souffla-t-elle doucement.

Je m’exécutai avec politesse, bien que j'aurais eu préféré passer ma soirée dans mon atelier. Pourquoi mon père n'avait point invité les Nott, comme la dernière fois? Avoir Aphrodite à mes cotés aurait été plus agréable.

Tandis que nous entrions tous dans le grand salon pour commencer les festivités, je ne pouvais m’empêcher de sentir que ce dîner n’était que le début d’une machination beaucoup plus vaste. Mais pour l’instant, j’étais dans l’ignorance la plus totale, et c’était sans doute mieux ainsi.

La tenue d'Héra: